SÉQUENCE X – La fuite.
La séquence X marque la fin de l’épisode du départ du comité républicain de Teruel vers Linás. Ce ne sont que cinq plans qui racontent la course depuis le portail où ils ont écrasé une voiture contre le canon qui leur barrait la route, jusqu’à ce qu’ils soient à l’abri et puissent se rendre dans un garage où deux voitures les attendent pour transporter la dynamite jusqu’à Linás. Cependant, malgré cela, ce qui est indiqué dans le scénario ne correspond pas exactement à ce qui est reflété dans le film.
Disons tout d’abord que ces plans ont été tournés dans la périphérie de Tarragone, avec la caméra placée à peu près sur ce qui est aujourd’hui la place de Mossén Prefecte Cabré (voir l’indicateur blanc). Regardons la comparaison entre l’une des photos et l’emplacement actuel, où l’on peut voir, de gauche à droite, la tour, le clocher de la cathédrale et le dôme du séminaire. Dans le coin supérieur gauche du cadre, on aperçoit une grosse branche d’arbre qui est citée dans le scénario : «NOTE : Si possible, faites un travelling de 20-30 mètres le long du muret». Plan 2 : les hommes continuent de courir : derrière le muret, encadrant toute la partie industrielle de Tarragone. – Derrière le muret, un arbre cache un instant l’arrière-plan. De l’autre côté, la chartreuse de Tarragone apparaît»[i].
Le détail de l’arbre est souligné par la note finale : «s’il n’est pas possible de faire une bande-annonce, deux panoramas seront filmés : le premier suivant les hommes lors de leur passage devant la partie industrielle de Tarragone et se terminant à l’arbre ; le second, partant de l’arbre, et suivant les hommes lors de leur passage devant la Chartreuse jusqu’à la fin». Si l’on excepte le fait que l’industrie n’apparaît nulle part, il semble que le montage corresponde à cette deuxième option. Après une première partie, plus près de la muraille, alors qu’ils sont mitraillés, cachés derrière un mur, on passe à un second plan plus éloigné de la ville, où les fugitifs grimpent d’abord sur un mur, puis, avec l’arbre comme personnage principal, poursuivent leur fuite.
L’audio est fidèle au scénario, à l’exception de la dernière entrée. González devrait y dire : «courons, nous ne sommes pas loin du garage». Cependant, sous le bruit des sirènes, des cloches et des coups de feu, on entend un personnage qui n’est pas le chef de l’expédition dire : courons, bon travail. Denis Marion[ii] raconte qu’en arrivant à Paris après avoir quitté Barcelone au dernier moment, Malraux et son équipe se sont rendu compte que la situation était désespérée, qu’il manquait des séquences entières et que les raccords essentiels n’avaient pas encore été tournés. Il ajoute : «le négatif était chez Pathé, mais le son était si mauvais qu’il a fallu le réenregistrer à nouveau. Le petit détail dans l’audio de la courte séquence X en est peut-être la preuve. Ils savaient qu’ils n’avaient pas la séquence XI, qui avait dû être tournée dans un garage, et que le texte du scénario perdait donc tout son sens. Mais pourquoi n’a-t-elle pas été tournée en France – après tout, il n’était pas si difficile de trouver un endroit où tourner deux voitures chargées de caisses et de valises. Étant donné qu’on a tourné à Tarragone à la mi-septembre, on pourrait même penser qu’il restait quatre mois pour tourner la séquence du garage dans n’importe quel endroit de Barcelone. La raison en est possiblement l’absence de l’acteur qui joue González, José Telmo, qui, comme Julio Peña et José Santpere, n’était pas allé en France avec le reste du groupe.
[i] «Sierra de Teruel (espoir 1938-1939)» (guión) en: Sierra de Teruel. Cincuenta años de esperanza. Valencia, Archivos de la Filmoteca. Nº 3. Año I. IX-XI 1989. Page 78
[ii] MARION, Denis (1970) André Malraux. Paris, Seghers -Cinéma d’aujourd’hui. Page 21
1 comentario en «SÉQUENCE X -La fuite»