Par Mª de los Ángeles Sellés I Pons.
INTRODUCTION:
Le livre De Chamartín a Collbató raconte la vie d’un garçon de Chamartín (Madrid) qui grandit parallèlement aux événements de la guerre civile espagnole. Le protagoniste vit toute la guerre en tant que réfugié en Catalogne, plus précisément à Collbató, où il s’intègre parfaitement.
D’autre part, l’écrivain français André Malraux décide de réaliser un film de son livre L’Espoir, afin de faire connaître en Europe et dans le monde la lutte menée en Espagne contre le fascisme. C’est à Collbató qu’André Malraux tourne une séquence[i] de son film intitulé Espoir – Sierra de Teruel.
Pendant les jours de tournage, l’aspect et l’activité de Collbató ont changé. Tout le village s’est mobilisé pour accueillir l’équipe de tournage et les soldats qui ont également participé à la scène en tant que figurants. C’est une pause dans le désespoir. Le tournage a été un «baume» pour les habitants, en raison de la démoralisation qui commençait à gagner la population, à la suite des tristes nouvelles de la bataille
de l’Ebre. De nombreux habitants du village ont joué le rôle de figurants et de figurantes dans le film. C’était une activité inconnue pour eux et c’est pourquoi ils y ont participé avec beaucoup d’enthousiasme. Le protagoniste du livre De Chamartín a Collbató y a également participé, c’est pour cela qu’il fallait consacrer un chapitre entier à cette expérience.
Le lecteur constatera que le livre est rédigé en format Easy Reading[ii], conformément aux lignes directrices internationales de l’IFLA, qui visent à rendre la lecture accessible à tous. La lecture facile facilite la lecture et la compréhension d’un sujet aussi complexe par la grande majorité des personnes, quel que soit leur niveau de compétence en lecture.
L’ESPOIR, UNE PARENTHÈSE DANS LE DÉSESPOIR[iii]
Dans ce contexte de découragement, une nouvelle inattendue bouleversa la vie de Collbató : un film allait être tourné !
De nombreux intellectuels, poètes, peintres et écrivains étaient favorables à la République. Ils produisaient des écrits, des peintures et des livres contre le fascisme.
L’un d’entre eux, l’écrivain français et infatigable aventurier André Malraux, avait écrit un roman : L’espoir. Et il décida de réaliser un film, Sierra de Teruel, pour encourager le camp républicain. Il a été aidé par l’écrivain Max Aub.
À Collbató, c’était le sujet de conversation.
-Nous allons tous sortir dans le film !
-C’est un film de guerre qui raconte la bataille de Teruel. On dit que les rochers de la montagne de Montserrat ressemblent à ceux qui se trouvent là-bas.
-C’est l’histoire d’un aviateur qui est abattu…
Des soldats de l’armée républicaine ont joué le rôle de figurants et de nombreux habitants de Collbató ont joué aussi, comme Paco[iv], Tere et Rosi. Ils étaient enthousiastes.
La possibilité de filmer était conditionnée par le temps qu’il faisait. Les équipes à filmer de l’époque n’étaient pas aussi parfaits que ceux d’aujourd’hui. S’il y avait des nuages, le film n’était pas beau. Et il était nécessaire d’attendre que le soleil se montre.
–Corten[v] ! -criait le réalisateur avec un accent français.
Pendant les pauses, les soldats fumaient une cigarette. Nous, raconte Paco, les enfants, nous ramassions les mégots par terre et les mettions de côté. En rentrant à la maison, nous donnions ces cigarettes à nos parents pour qu’ils puissent les fumer. Le tabac était également rare.
Le film a été tourné sur la place de l’église et dans les rues de Collbató. Sur la route des grottes de la montagne de Montserrat, on voyait les acteurs et les figurants descendre en soldats, ensanglantés, blessés, bandés et portant un aviateur blessé.
Le réalisateur criait : « Tout le monde au cortège, tout le monde au cortège ».
Les figurants devaient se placer en file, en accompagnant les blessés et en descendant la montagne… Le tournage a duré 5 ou 6 jours.
Un grand nombre de personnes sont venues au village : des soldats, des artistes, des techniciens… À la fin du tournage, le village était désert, silencieux… Et on s’est remis à parler de la guerre, mais de la vraie guerre.
Dans les magasins, tout le monde parlait. On parlait de la bataille de l’Ebre.
-On dit que l’Ebre descend plein de morts.
-On voit qu’il est rouge, tant il y a de sang.
-Tu connais la fille de …. Elle venait de se marier. En un mois, elle a été célibataire, mariée et veuve…
Paco était terrifié, mais il était fort !
–Quina guerra més llarga! Cuándo acabará ? [vi]-Il pensait moitié en catalan, moitié en espagnol.
La nuit, il pleurait en silence.
« Où sont les parents ? ». « Comment ça, les parents ont disparu ? Personne ne sait où… ? Personne ? »
Il se posait toujours les mêmes questions.
Pour l’instant, il ne trouvait pas de réponse. Personne ne lui avait dit qu’ils étaient morts. Il ne connaissait pas toute la vérité.
EN SAVOIR + :
UNE RENCONTRE ÉMOUVANTE (avec la mère de l’auteur, qui a vécu le tournage en direct)
SÉQUENCE XXXIX : OU ET COMMENT A ÉTÉ TOURNÉ.
……………………….
[i] Séquence XXXIX, la dernière du film.
[ii] https://www.lecturafacil.net/
[iii] Chapitre de SELLÉS Y PONS, María Àngels (2011). De Chamartín à Collbató. -La guerra civil viscuda per un nen. Barcelone, Éd. El Mar de Fácil. Page 125.
[iv] Francisco Sellés, le protagoniste, et aussi le père de l’auteur du livre : Maria Angels Sellés.
[v] Coupez!
[vi] Quelle longue guerre ! Quand finira-t-elle ?