Les recherches de VisorHistoria sont souvent comme un panier de cerises : on en sort une et plusieurs suivent. C’est ce qui s’est passé avec l’excellent article de mon amie Gabriela Cladera, «Il était une fois Hollywood…»[i] . Elle y cite un livre que j’ai pu acquérir d’occasion : La Brigada Hollywood[ii], de Javier Coma. Divertissant et intéressant.
Une fois le livre en ma possession, je me suis tourné, comme toujours, vers l’index onomastique. C’est comme un vice : chaque fois que je reçois un nouveau livre, je vérifie d’abord si les noms de Malraux et d’Aub apparaissent. Cette fois-ci, le premier est apparu sur plusieurs pages.
Et oh surprise ! A la page 135, il est dit que dans un film «on mettait en scène un hommage à André Malraux». Et je suis allé voir le film[iii]. Il s’agit de Éveille-toi, mon amour (Arise, My Love)[iv]. Réalisé en 1940 par Mitchell Leisen, avec Colette Colbert et Ray Milland, sur un scénario de Billy Wilder, entre autres.
Son argument peut être résumé comme suit[v] : Année 1939. L’Américain Tom Martin, qui a combattu avec les Républicains pendant la guerre civile espagnole, attend le jour de son exécution par les franquistes. Mais une journaliste en quête d’une exclusivité lui propose de l’aider à s’évader. Drame basé sur la relation entre la journaliste et l’aviateur après la guerre civile. Il s’agit d’un film ingénieux avec un sous-entendu critique clair contre la passivité des États-Unis, qui refusaient d’intervenir dans la Seconde Guerre mondiale.
L’année de sa sortie (1940), le souvenir de la guerre d’Espagne était encore frais, et l’on s’interrogeait sur l’opportunité, voire l’obligation, pour les États-Unis d’entrer dans un conflit mondial qui n’en était qu’à ses débuts. C’est peut-être pour cette raison qu’Arise, My Love (qui prônait la participation américaine) a remporté l’Oscar de la meilleure histoire, créé par Benjamin Glazer et Hans Szekely (tous deux d’origine hongroise). Les deux auteurs ont ensuite collaboré (le second sous le pseudonyme de John S. Toldy) au film Paris Calling[vi] (Edwin L. Marin, 1941), qui mettait également en scène un pilote ayant participé à la guerre civile espagnole. Le scénario de Arise, My Llove a été écrit par Charles Brackett et Billy Wilder. Il est d’ailleurs révélateur que Colette Colbert ait déclaré[vii] que, parmi son abondante filmographie, ce film était son préféré.
Mais venons-en à la perle, qui est aussi un défi : à la 67e minute, Tom (Ray Milland) et Augusta (Colette Colbert) sont dans un train et contemplent le paysage. C’est alors que nous entendons ce dialogue, que je traduis [viii] :
-Que vois-tu, Gusta ?
-Une forêt, des arbres.
-Oui, la forêt de Compiègne. Regarde, c’est comme une grand-mère qui somnole dans son fauteuil à bascule. Elle se prosterne au vent depuis des années, elle croit que Louis XIV règne encore. À son ombre, grillons et piverts, très polis, rompent à peine le silence.
-C’est à qui ?
-Pourquoi ?
-Tu ne dis pas des choses pareilles.
-Je citais un collègue français rencontré en Espagne. Il est né ici. Il parlait souvent de cet endroit. Il semblait connaître tous les chemins, il avait tellement envie de revenir, de se promener dans la forêt en cueillant des fraises sauvages. Il s’appelait André.
-Je suis sûr que c’était un bon garçon.
-Oui, en effet il l’était. Ce serait peut-être un beau geste que de descendre soudain de ce train pour lui rendre un petit hommage et regarder ses fraises des bois.
-C’est une très bonne idée.
Vraiement, c’était une bonne idée. Il s’agit de rendre hommage à quelqu’un qui s’appelle André. Mais était-il Malraux, comme le dit le livre de Coma ? Il n’est certainement pas né là, mais à Paris (3.11.1901). C’est là que se pose un défi pour tous les Malruciens qui suivent ce site :
Quelqu’un pourrait-il trouver une citation similaire, dans laquelle apparaît la forêt de Compiègne, ou une référence à des fraises des bois dans une forêt ?
Pour ma part, je consulte l’IA (parfois SI : pour stupidité), et elle me dit[ix] : André Malraux, écrivain et homme politique français, avait une relation particulière avec Compiègne en raison de son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1940, pendant l’occupation allemande, il a été nommé conservateur du musée de Compiègne.
Il est vrai que sa grande influence dans le domaine culturel a été fortement ressentie dans la région pendant qu’il était ministre, et même l’un des lycées de la ville, située à 70 kilomètres au nord de Paris, porte son nom[x]. Mais il est douteux qu’à l’époque du tournage de Araise, My Love (fin 1939), alors qu’André était dans un régiment de chars en Flandre, sa relation avec Compiègne ait été connue à Hollywood, à moins que l’un des scénaristes n’ait eu connaissance d’un livre de Malraux dans lequel figurait la citation bucolique. C’est pourquoi je demande : AIDEZ-MOI !
EN SAVOIR +:
AMÉRIQUE, AMÉRIQUE. Le voyage d’André Malraux aux États Unis et Canada.
IL ÉTAIT UNE FOIS À HOLLYWOOD… (Gabriela Cladera). Le soutien des artistes à la cause de la Seconde République.
—-NOTES—-
[i] https://www.visorhistoria.com/il-etait-une-fois-a-hollywood/
[ii] COMA, Javier (2002). La Brigada Hollywood – Guerra espanyola y cine americano. Barcelona, Flor del viento Ediciones.
[iii] Dans le catalogue de FILMIN.
[iv] https://www.imdb.com/title/tt0032220/ COMA (2002): 133-135
[v] https://www.filmaffinity.com/es/film579682.html
[vi] https://www.filmaffinity.com/es/film164797.html
[vii] https://www.imdb.com/title/tt0032220/trivia/?ref_=tt_trv_trv
[viii] Malheureusement, YouTube ne me permet pas de poster une minute de ce film avec ce dialogue. Ils revendiquent des droits d’auteur sur ce film datant de 1940. Voir une interview de Colette Colbert au festival de Deauville (1988) où elle mentionne Arise, my love: https://www.ccma.cat/3cat/claudette-colbert/video/6250640/
[ix] https://chat.openai.com/c/b4d414e4-54f4-4802-9d24-963459403cca
[x] Collège André Malraux. 2 Rue André Malraux, 60200 Compiègne